L’écureuil qui ne voulait pas apprendre à balayer
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Il était une fois, dans une belle futaie de hêtres, onze petits frères écureuils, qui habitaient tous les onze ensemble. Ils avaient établi leur maison sur un ancien nid de pie, à une haute enfourchure. Ils jouaient du matin au soir parmi les branches ensoleillées à cache-cache, à l’écureuil perché, à saute-écureuil, ou bien ils dansaient des rondes dans la clairière.
Et leur vieille petite mère-grand, qui n’était plus très alerte, les surveillait du pas de la porte, toujours tricotant pour leur faire des cache-nez et toussant d’une jolie toux claire, en manière d’avertissement, lorsqu’un de ses onze petits-fils commençait quelque sottise.
Le plus petit s’appelait Guerlinguet. Il était un peu paresseux et surtout très obstiné, mais si drôlet, si vif et preste, avec une si jolie mine futée qu’il fallait l’aimer malgré tout.
Chaque soir, aussitôt le dîner fini, un écureuil rangeait la vaisselle en coquilles de noix et pliait les serviettes de feuilles jaunies. Et un autre écureuil balayait la cabane avec sa queue. Guerlinguet enlevait le couvert d’assez bonne grâce, mais il n’aimait pas à balayer. Quand il ne pouvait esquiver la corvée, il tournait trois tours de chambrette et donnait trois chiquenaudes sur le tapis de mousse. Pas une miette n’était seulement déplacée, et ses grands frères se voyaient forcés de refaire sa besogne, ce qui les fâchait beaucoup.
Et sa bonne mère-grand lui disait : Je sais, Guerlinguet, je sais pourquoi tu ne veux pas apprendre à balayer. Tu as peur de gâter ta belle queue rousse vernie, comme l’alisier d’automne, touffue et longue à ravir. Mais cela ne la gâterait pas, mon garçon. Lorsqu’une queue s’est empoussiérée, on la lave à la rosée du matin, en la passant dans les feuilles vertes, on l’essuie sur la fine écorce du hêtre, puis on se pavane au soleil pour la finir de sécher. Cela donne de la force au poil. Il pousse plus brillant et plus dru. Mais Guerlinguet secouait la tête, et n’en balayait pas plus.
Un jour que, laissé devant l’ouvrage, il était allé se construire une escarpolette, sans faire même semblant d’épousseter, ses aînés perdirent patience, et sa mère-grand finit par dire :
Écoute, Guerlinguet, cela ne peut plus durer. Puisque tu ne veux pas apprendre à balayer, nous allons te chasser du logis. Il te faudra diner par cœur (voir définition); tu coucheras à la belle étoile; si tu souhaites te divertir, tu valseras tout seul avec ta queue, et peut- être, par malchance, tu te feras croquer par le loup.
Et le petit Guerlinguet, qui était très entêté, répondit à sa mère-grand :
– Je veux bien diner par cœur, je veux bien coucher à la belle étoile, je veux bien être croqué par le loup, mais je ne veux pas apprendre à balayer.
– Entendu, dit la mère-grand : tu peux prendre ton baluchọn et chercher gîte où tu voudras.
Guerlinguet prit son baluchon et s’éloigna sans se retourner, se sentait le cœur lourd, mais il ne voulait pas le montrer. II suivit son chemin droit devant lui, bondissant de rameaux en ramilles et répétant de plus en plus haut :
– Je veux bien diner par ceur, je veux bien coucher à la belle étoile, je veux bien être croqué par le loup, mais je ne veux pas apprendre à balayer.
Comme il raisonnait et sautait, sans prendre garde à ses pattes, il manqua tout à coup sa branche et pouf! il tomba sur le dos du loup qui dormait. Le loup, réveillé en sursaut, se dressa, terrible, et ouvrit sa grande gueule pour le croquer. Mais Guerlinguet, tout à sa pensée, s’assit sur sa queue devant lui, et dit de son filet de voix têtu :
– Je veux bien être croqué, Monsieur le Loup, mais je ne veux pas apprendre à balayer.
Le loup fut si étonné qu’il en referma sa grande gueule. Il examina l’écureuil et se mit à se gratter l’oreille.
– C’est trop compliqué pour moi, dit-il enfin. Tu vas venir t’expliquer avec mon cousin le renard.
Haoup!… il enleva Guerlinguet par la peau du dos, brinque-balli-brinqueballant, tête de-ci et queue de-là, et il l’emporta dans sa gueule en le balançant. Le cousin Renard se polissait les ongles à l’ombre d’un cornouiller. Quand il entendit quelqu’un venir, il se leva pour s’étirer.
– Regarde un peu, mon cousin, dit le loup en lui posant Guerlinguet sous le museau. Voilà un écureuil qui ne veut pas apprendre à balayer.
– Et qu’est-ce que ça peut te faire? dit le renard. Tu n’as pas besoin de ça pour le croquer.
– Je ne vais certainement pas le croquer, dit le loup. Je suis le loup le plus important du pays. Chacun sait que j’ai l’habitude d’une nourriture choisie. De quoi aurais-je l’air si je mangeais un écureuil qui ne sait rien?
– Je n’y pensais pas, dit le renard; il nous faut remédier à cela. Et pourquoi s’entête-t-il, ce petit?
– Monsieur le Renard, dit Guerlinguet bien poliment, Monsieur le Loup ne va peut-être pas me croquer, mais ma mère-grand m’a mis dehors. Il faudra que je dîne par cœur; je ne sèmerai pas de miettes sur la mousse : je n’ai pas besoin d’apprendre à balayer.
– Il a raison, dit le renard qui riait sous cape. Si tu veux l’instruire, compère Loup, il faut que tu lui donnes à manger.
– J’ai compris, dit le loup, garde-le moi. Et houp! et houp! Le loup prend sa course à travers le fourré; il court, il trotte jusqu’à sa tanière; il tire de sa réserve un grand quartier de chair saignante et revient le jeter devant l’écureuil.
– Avale, dit-il à Guerlinguet, voilà ton déjeuner. Guerlinguet regarda la viande, la tête un peu de côté:
– Ah! non, dit Guerlinguet, la viande, je ne mange pas ça
– Ça va bien, dit le loup; je sais ce qu’il te faut.
Et houp! et houp! le loup reprend sa course à travers le fourré; il court, il trotte jusqu’à un champ de pommes de terre. Il gratte et creuse, emplit un sac et s’en revient toujours courant.
– Là! dit le compère Loup en vidant son sac devant Guerlinguet, avale voilà ton déjeuner.
Guerlinguet poussa un peu, du bout de la patte, les pommes de terre crues toutes terreuses.
– Ah non, dit-il, les pommes de terre, je ne mange pas ça.
– Tu n’y connais rien, compère, dit le renard, qui s’amusait beaucoup; les écureuils mangent des fruits. Je vais te donner un de mes renardeaux pour te guider.
Et houp! et houp! compère le Loup, un peu essoufflé, reprend sa course derrière le renardeau. Le renardeau l’emmène aux noisettes, à la récolte des faînes et des pommes de pin. Puis, dans le jardin d’un bûcheron, il lui fait voler des noix, des pommes, des poires, et quelques grappes de raisin. Le loup n’avait pas l’habitude de ces cueillettes, il suait et soufflait à plaisir. Enfin il vit son panier plein, et il le rapporta à Guerlinguet qui l’attendait bien tranquillement, assis à l’ombre de sa queue, dans la mousse, sous la garde du cousin Renard. Guerlinguet cassa, puis grignota les noix et les noisettes; il éplucha les faînes à loisir; il fit craquer les amandes de pin sous ses dents fines. Jamais il n’avait savouré une si friande collation. Il se pourléchait à chaque bouchée. Il ouvrit les pommes et les poires pour se régaler des pépins. Il suça le jus frais des raisins. Enfin il lustra ses moustaches; il épousseta son gilet blanc et gonfla sa queue rouge en panache.
II
– Eh bien! lui dit le cousin Renard, tu n’as pas dîné par cœur. Je pense que te voilà content?
– Oui, dit Guerlinguet, mais je ne veux pas apprendre à balayer.
Quand le renard entendit cela, et vit l’air déconfit du loup, il se reprit à rire jusqu’à s’en tenir les côtes.
– Il est trop malin, ton bonhomme, dit-il à compère le Loup. Il va venir conter son affaire devant mon ami le blaireau qui a le terrier le plus propre du bois et sait certainement tout ce qui concerne le balayage et les balais. Celui-là nous conseillera.
Haoup! Le cousin Renard enleva délicatement Guerlinguet par la peau du dos, brinqueballi-brinqueballant, tête de-ci et queue de-là, et l’emporta dans sa gueule en le balançant.
L’ami Blaireau rêvait au soleil à l’entrée de son terrier. Il est toujours d’humeur triste et grogne ou geint entre ses dents. Quand il vit approcher le renard et le loup, et Guerlinguet qui se laissait sagement porter, il se leva tout soupirant.
– Regarde un peu, l’ami Blaireau, dit le renard en lui posant son prisonnier entre les pattes. Voilà un écureuil qui ne veut pas apprendre à balayer.
– Hélas! de quoi vous inquiétez-vous là? dit le blaireau; le prenez-vous pour valet de chambre? Vaudrait-il pas mieux nous le partager?
– C’est mon avis, reprit le renard, mais voilà mon compère Loup qui ne veut plus manger que des écureuils savants. Nous requérons ton aide à ce propos.
– C’est autre chose, dit le blaireau. Et qu’est-ce qui empêche votre nigaud d’étudier une science aussi simple? Le lui avez vous demandé?
– Monsieur le Blaireau, dit Guerlinguet paisiblement, Monsieur le Loup ne m’a pas croqué et je n’ai pas dîné par cœur, mais ma grand’mère et mes frères m’ont mis à la porte. Je dois coucher à la belle étoile. Puisque je n’ai plus de maison, je n’ai pas besoin d’apprendre à balayer.
– Cet écureuil est le bon sens même, dit le blaireau. Si vous voulez qu’il balaie, il faut lui bâtir une maison.
– J’ai compris, dit compère Loup; gardez-le-moi.
Et houp! et houp! le loup prend sa course. Il revient roulant une grosse pierre, puis il en amène deux, puis trois; il traîne quelques lourdes branches mortes, un fagot d’épines et une motte de boue. Il empile le tout à grands coups de nez pour construire une espèce de grotte basse, qui rappelait en petit son repaire.
– Entre là, dit-il à Guerlinguet, te voilà logé. – C’est ouvert à tous les vents, dit Guerlinguet. Je n’habite pas ces maisons-là.
– Je sais ce qui lui convient, dit le blaireau. Je vais t’aider, compère Loup. Nous lui creuserons un terrier.
Et groum! et groum! le loup et le blaireau s’enfoncent dans le sable côte à côte, fouissent du museau et des griffes, rejettent les cailloux derrière eux.
Le pauvre loup éternuait et s’époumonait; le gravier lui piquait les yeux; il se cassa même un ongle. Enfin le terrier fut achevé.
– Entre là, dit le blaireau à Guerlinguet, te voilà logé.
– Il y fait noir comme chez une taupe, dit Guerlinguet; je n’habite pas les maisons sous terre.
– Vous n’y connaissez rien, mes amis, dit le renard; les écureuils nichent sur les arbres. Je vais vous donner un de mes renardeaux qui vous montrera ce qu’il faut m’apporter. Je m’institue maître du chantier.
Mais l’ami Blaireau n’y voulut pas aller. Et houp! et houp! le loup tout seul reprit donc sa course derrière le renardeau. Dans les taillis bas et les brandes, il récolta de la bruyère, du genêt, de la mousse, puis conseillé par le renard, il dut les disposer dans le tronc creux d’un, vieux chêne. Ses pattes maladroites s’agaçaient à tresser les murs et à aplanir le sol tandis que le blaireau gâchait des boulettes de glaise pour tout consolider. Enfin le toit en cône fut posé, et le loup put réveiller Guerlinguet qui faisait un petit somme, roulé en boule dans l’herbe fine, le nez entre les pattes et la queue au soleil, toujours gardé par le renard.
Guerlinguet considéra la jolie logette fraîche et bien close, qui sentait bon le genêt et la bruyère. Il essaya les matelas de mousse, il éprouva les murs de la patte. Enfin il s’assit sur le seuil, d’un air satisfait de propriétaire.
– Eh bien, lui dit l’ami Blaireau, tu ne coucheras pas à la belle étoile! Il me semble que tout est arrangé?
– Non, dit Guerlinguet, je ne veux pas apprendre à balayer.
Lorsque le blaireau l’entendit, il se trouva fort penaud, d’autant que le loup montrait les dents et que le renard s’esclaffait.
– Il faut le mener à Madame Chouette, dit-il enfin, l’air désolé. Elle est voisine des écureuils et connaît tout ce qui les concerne.
– Peut-être nous tirera-t-elle d’embarras.
Haoup! le blaireau saisit Guerlinguet par la peau du dos, brinqueballi-brinqueballant, tête de-ci et queue de-là, et l’emporta dans sa gueule mi-le traînant, mi-le balançant. Le cousin Renard trottait auprès, et le loup suivait sur trois pattes.
Madame Chouette est une compatissante personne. Elle loge dans un rocher creux, tout près du hêtre où la grand’mère écureuil et ses petits-enfants ont établi leur maison. Elle connaissait bien Guerlinguet et elle eût souhaité le délivrer.
– Regarde un peu, Madame Chouette, lui dit le blaireau en posant Guerlinguet sur la mousse. Voilà un écureuil qui ne veut pas apprendre à balayer.
– Et de quoi vous venez-vous mêler? dit la chouette. C’est l’affaire de sa famille. Laissez-le rentrer chez lui.
– Moi, cela me serait égal, reprit le blaireau. Mais, pour notre compère Loup, c’est une question de dignité. Il ne trouve pas séant de le manger avant que son éducation soit parfaite.
– Je vais donc m’en occuper, dit la chouette. Voyons, Guerlinguet, pourquoi fais-tu le paresseux?
– Madame la Chouette, dit Guerlinguet en levant son petit nez hardi, Monsieur le Loup ne m’a pas croqué, je n’ai pas dîné par cœur, je ne coucherai pas à la belle étoile, mais ma grand’mère m’a chassé et mes petits frères ne veulent plus jouer avec moi. Si je souhaite me divertir, je devrai valser tout seul avec ma queue. Je n’ai pas le cœur d’apprendre à balayer.
– Qui est-ce qui pourrait te blâmer? s’écria la chouette. C’est trop évident, mes compères. Il est mélancolique, ce mignon. Avant de songer à l’éduquer, il faut que vous dansiez avec lui.
– Ça me va, dit le cousin Renard: en place pour la contredanse.
– Ça ne me va pas du tout, dit le loup; je comprends bien qu’il faut danser, mais j’ai tant couru, tant creusé, tant bâti, que mes pauvres pattes sont raides comme bois!…
Mais personne ne l’écoutait. Un merle, sur une branche, siffla l’air de la bourrée et les danseurs choisirent leurs places. Et quand revint la ritournelle, voilà le malheureux loup, épuisé mais prêt à tout faire en conscience, qui prend son élan comme les autres. Et houp!… et houp!… il suivait de son mieux la mesure, bondissant et se trémoussant, avec carrements et révérences, avec des entrechats et des jetté-battus et jusqu’à des cabrioles. Le renard, en face de lui, exécutait une petite gigue, les pattes de devant sur les hanches, sans perdre de l’œil Guerlinguet. Le bon gros blaireau se dandinait d’un flanc sur l’autre, trop lourd pour mieux s’évertuer et la chouette, son vis-à-vis, les ailes demi-soulevées, pirouettait avec beaucoup de grâce.
Jamais on n’a vu telle bourrée. Guerlinguet, qui était fou de danse, faisait le plus beau cavalier seul. Il valsait, virait, voltait, en faisant panache de sa queue, s’amusait comme cent écureuils, frivolait et tourbillonnait.
Ses dix petits frères et petites sœurs, attirés par le tapage, vinrent se ranger sur une branche et ils regardaient, bien étonnés, toute cette brillante assemblée qui donnait le bal à Guerlinguet.
Après la bourrée ce fut un branle, après le branle un rigodon. Quand Guerlinguet fut las de sauter, il s’assit sur un champignon et regarda tourner les autres, en s’éventant du bout de sa queue.
Enfin le rigodon s’acheva. Le loup, rendu, se laissa rouler sur l’herbe, et tout le monde reprit haleine.
– Eh bien! Guerlinguet, dit la chouette en clignant son grand œil vert, nous t’avons tenu tête aux danses, tu n’as pas valsé tout seul avec ta queue. Je pense que te voilà satisfait?
– Ça ne fait rien, dit Guerlinguet. Je ne veux pas apprendre à balayer.
Quand le loup l’entendit, il perdit courage, leva la tête, ouvrit la gueule, et se mit à hurler comme un désespéré. Et hou… hou… hou… tout le bois en retentissait. Les fouines et les jeunes belettes montraient le nez aux trous des vieux troncs; les lézards verts risquaient un regard entre deux touffes de colchique; les petits oiseaux se rassemblaient à tire-d’aile pour savoir les ennuis du loup.
Il aurait hurlé jusqu’au soir sans une petite toux claire, très haut dans l’arbre au-dessus de sa tête, qui le fit soudain s’arrêter.
C’était la grand’mère écureuil qui se penchait un peu entre les feuilles, assise au seuil de sa maison.
Elle avait grand’peur en voyant son petit-fils prisonnier de tant de bêtes dangereuses, mais elle n’en laissait rien paraître, et tricotait d’un air tranquille.
– Pourquoi nous assourdis-tu, compère Loup? dit-elle. Est-ce mon mutin de Guerlinguet qui te tourmente?
– Oui! Oui! Oui!… c’est ton Guerlinguet : il ne veut pas apprendre à balayer! hurla le loup exaspéré.
– Je le sais bien, dit la mère-grand; j’ai un peu de rhumatisme aux pattes, et je ne peux pas l’aller morigéner, mais il suffit de me l’envoyer. Je lui allongerai les oreilles, et je te réponds qu’il balaiera.
– Je ne te conseille pas ça, mon compère, souffla le renard; quand un écureuil est lâché, il faut des ailes pour le rattraper.
– Ça va bien, gronda le loup. Il ira et je ne le lâcherai pas; mes dents sauront lui tenir la queue. Allons, l’écureuil, grimpe là-haut, que ta grand’mère t’allonge les oreilles.
Haoup! Compère Loup saisit la queue de Guerlinguet dans sa gueule, et le pousse pour qu’il grimpe au hêtre.
Mais Guerlinguet eut beau aller jusqu’au bout de sa longue queue tandis que le loup se levait sur les pattes de derrière, il ne put atteindre bien haut.
– Vous êtes loin de compte, dit le renard; perche-toi sur mes épaules, mon compère, et surtout ne lâche pas la queue.
Le loup monta sur les épaules du renard qui se dressa tout debout contre l’arbre, mais Guerlinguet touchait à peine aux premières feuilles.
– Nous n’y sommes pas, dit le renard, viens là, l’ami Blaireau, que tu me prêtes tes épaules.
Le blaireau prêta ses épaules et se fit aussi grand qu’il put, portant le renard, qui portait le loup, qui tenait Guerlinguet par la queue.
– Nous y sommes presque, dit le blaireau. Viens ça, Madame Chouette, que tu me prêtes tes épaules.
– Tu n’y penses pas, notre ami, dit la chouette : vous êtes trop lourds pour que je vous porte. Je vais pincer les poils de ta nuque dans mon bec et tirer en battant des ailes; ainsi je t’aiderai à te hisser sur cette racine.
La chouette tira le blaireau par les poils, le blaireau se hissa sur la racine, soulevant le renard, qui souleva le loup, qui tenait Guerlinguet par la queue, et le petit écureuil arriva jusqu’à sa grand’mère.
– Nous y voilà, dit la maligne grand’mère. Je vais lui tirer les oreilles. Tu tiens bien sa queue, compère Loup? tu n’as pas peur de lâcher?
– Non, non, dit le loup, ouvrant la gueule pour répondre, tu peux tirer, je le tiens ferme.
Mais dès qu’il desserra les dents, Guerlinguet, sentant sa queue libre, fit un bond pour se dégager, en décochant deux bonnes ruades griffues sur le museau du loup.
Le loup perdit l’équilibre; il s’abattit à la renverse sur le renard, qui tomba sur la tête du blaireau, qui dégringola de sa racine en entraînant la chouette.
La chouette s’envola vers son gîte, bien aise et chantant victoire.
Le blaireau plongea dans ses souterrains.
Le renard déguerpit en s’étouffant de rire, et le pauvre loup demeura tout seul, assis sur son derrière, le nez en l’air, la gueule ouverte, avec deux longs poils rouges encore accrochés aux dents.
Tous les écureuils, sur leur arbre, se gaussaient de sa mine ahurie: ils lui jetaient des coques de faînes, des bouts d’écorce, des brindilles, tant qu’il ne put rassembler ses esprits et s’enfuit sans y rien comprendre, furieux, honteux et moulu.
Les petits écureuils, bien joyeux de retrouver leur frère, sautaient tous dix autour de lui.
– Tu vois, Guerlinguet, disaient-ils, tu vois ce qui t’est arrivé. Voilà ce que c’est que d’être entêté.
– Et qu’est-ce qui m’est arrivé? répondait Guerlinguet, en se balançant au bout d’une branche; et qu’est-ce qui m’est arrivé? Le loup ne m’a pas croqué; je n’ai pas dîné par cœur; je n’ai pas couché à la belle étoile; je n’ai pas valsé tout seul avec ma queue et je n’ai pas appris à balayer.
Mais, comme c’était au fond un gentil petit écureuil et qu’il voulait faire plaisir à sa grand’mère, après cette aventure, il a tout de même appris à balayer.
Premier chapitre des Contes du Ver Luisant, écrit par Jeanne Roche-Mazon (1885-1953), illustrés par O’Klein (1893-1985 – Avec l’autorisation des héritiers).
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FIN
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