Les enfants de la mer
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Avant que les premiers marins ne lancent leurs proues sur l’océan à la découverte de nouvelles contrées, le roi et la reine de la mer vivaient sous les vagues en paix et en harmonie. Ils avaient de nombreux enfants, aux yeux couleur miel et aux longues jambes, qui passaient leurs journées à jouer gaiement avec les hippocampes et à nager à travers les bosquets d’anémones de mer qui dansaient au fond des eaux. Ces merveilleuses créatures marines aimaient la musique, et partout où ils allaient on pouvait entendre leurs chants qui étaient comme le rire des vagues. On les appelait les enfants de la mer.
Mais un jour, un grand malheur survint car la reine tomba malade et mourut. Le roi et ses enfants, très tristes, pleurèrent longtemps après qu’elle fut enterrée aux milieux des grottes de corail du royaume. Et après cela, il n’y eut plus personne pour s’occuper des enfants de la mer, pour peigner leurs magnifiques cheveux et les bercer avec de douces mélodies de la mer. Le Roi voyait leurs cheveux décoiffés flottant comme de vulgaires algues, et les entendait tousser la nuit quand ils n’arrivaient pas à dormir; et il se dit en lui-même, qu’il devrait chercher une nouvelle femme pour s’occuper de ses enfants.
Dans la sombre forêt de la mer vivait une étrange sorcière de la mer, et c’est à elle que le roi demanda d’être sa nouvelle femme, bien qu’il ne sente pas d’amour pour elle, puisque son coeur était resté prisonnier dans les grottes de corail où sa reine reposait. La sorcière de la mer accepta sans hésiter en se disant qu’elle serait bien aise de devenir la reine de la mer et de régner sur un si vaste royaume. Elle accepta donc de se marier avec le roi, et devint la belle-mère des enfants de la mer. Mais elle n’était pas une bonne belle-mère, car quand elle vit leurs yeux couleur miel et leurs belles jambes, elle devint maladivement jalouse de leur beauté, ne supportant pas qu’il existe des êtres plus beaux qu’elle dans la mer.
Un jour, elle retourna dans sa sombre forêt de la mer et elle y cueillit les fruits jaunes du raisin de la mer qui poussaient là. Elle en fit une potion magique et y conjura un mauvais sort contre les enfants de la mer. Elle jura qu’ils perdraient leurs longues jambes et seraient changés en phoques, et seraient condamnés à nager dans les mers pour toujours, sauf un jour chaque année, durant lequel ils reprendraient leur forme originale.
Ce mauvais sort surprit les enfants de la mer alors qu’ils jouaient avec les hippocampes et serpentaient entre les anémones violettes du fonds de la mer. Leurs corps s’épaissirent et perdirent leur formes; leurs bras agiles se transformèrent en palmes maladroites et leur jambe en nageoir; et leurs peaux claires furent recouvertes de poils de soie gris, noirs et bruns dorés. Mais ils gardèrent leurs yeux doux et purent continuer à chanter comme ils le faisaient auparavant.
Quand leur père découvrit ce qui s’était passé, sa colère envers la méchante sorcière de la mer fut immense, et il la chassa et la condamna à vivre prisonnière dans sa sombre forêt de la mer pour toujours. Mais il ne put défaire le sortilège qu’elle avait lancé. Et les phoques, qui avaient été les beaux enfants de la mer, chantèrent en se lamentant de ne plus pouvoir vivre avec leur père, et d’avoir perdu à jamais le royaume de leur enfance heureuse. Tristement, le roi les regarda s’éloigner en nageant.
Pendant longtemps, les phoques voyagèrent très loin de mer en mer. Une fois par an, au coucher du soleil jusqu’au jour suivant, ils venaient s’échouer sur un bout de terre loin du regard des humains, et là, ils enlevaient leurs peaux de soie aux reflets gris, noir et brun doré et, se dressaient dans leur ancienne et gracieuse forme humaine. Mais leur jeux sur la page ne duraient jamais très longtemps, car au coucher de soleil suivant, ils devaient remettre leurs peaux de phoque et replonger dans la mer.
Les hommes racontent que les phoques arrivèrent d’abord aux îles de l’ouest en tant qu’émissaires des rois nordiques de Lochlan. Quelle que soit la vérité, il est certain qu’ils se mirent à aimer cette terre brumeuse de l’ouest, et qu’aujourd’hui encore, on peut les y apercevoir s’échouer autour de l’île de Lewis; Ou a Rona, également appelé l’île aux phoques; Ou encore dans le détroit de Harris. Les gens des Hébrides connaissent la légende des enfants de la mer, et disent qu’une fois par an, quelqu’un passant par là pourrait les surprendre en train de jouer et s’ébattre sur le sable avant le coucher du soleil.
C’est ce qui arriva un jour à un pêcheur nommé Roderic MacCodrum, du Clan Donald. Il vivait seul sur l’île de Bernerary.
Un jour qu’il marchait le long de la plage où il avait laissé sa barque de pêche, il entendit des bruits de chants venant d’un tas de rochers proches. Il s’en approcha sans faire de bruit et regarda derrière les pierres. Là, devant lui, il vit un groupe d’enfants de la mer qui s’amusaient et dansaient avant que le soleil ne se couche. Leurs longs cheveux flottaient derrière eux et leurs yeux étaient remplis de joie alors qu’ils jouaient sur la plage.
Il ne regarda pas longtemps, car il avait entendu dire que ces créatures étaient timides et ne supportaient pas le regard des mortels. Mais comme il allait s’en aller, il aperçu un tas de peaux de phoques soyeuses – Gris et noir et brun doré – posées sur un rocher à côté de lui, là où les enfants de la mer s’en étaient défait. Il ramassa celle qui lui semblait la plus brillante des peaux, en se disant que ce serait un fameux trophée à ramener chez lui. Et en arrivant chez lui, il cacha la peau au-dessus du linteau de sa porte.
Plus tard ce jour-là, après le coucher du soleil, alors que Roderic réparait son filet de pêche devant la cheminée, il entendit un étrange bruit de plainte au dehors. Il sortit et se trouva nez à nez avec la plus belle femme qu’il eut jamais vu. Elle avait de longues jambes et ses yeux étaient de couleur marron miel aux doux reflets. Elle ne portait aucun vêtement sur sa peau blanche, mais sa longue et abondante chevelure brune aux reflets dorés recouvrait sa beauté.
Oh, aidez-moi, aidez-moi, homme mortel, supplia- t-elle. Je suis une enfant de la mer, j’ai perdu ma peau de phoque en soie et, sans elle, je ne retrouverai jamais mes frères et sœurs.
Roderic prit l’air surpris et l’invita à passer à l’intérieur et à se couvrir avec son écharpe. Mais au fonds, il savait parfaitement que cette belle enfant de la mer n’était autre que la propriétaire de la peau de phoque qu’il avait dérobée plus tôt ce jour-là. Il aurait juste eu à lever le bras au dessus de la porte pour lui rendre sa peau de soie et sa liberté d’aller rejoindre ses frères et sœurs dans la mer. Mais Roderic la regarda s’assoir auprès de la cheminée et il pensa qu’il serait bien heureux de garder cette jolie femme exotique pour lui, pour égayer sa sollitude et apporter de la joie à son coeur.
Il est trop tard pour retrouver votre peau de phoque, dit-il. Quelqu’un a dû vous la voler et doit être déjà loin. Mais si vous le souhaitez, vous pouvez rester ici et devenir ma femme. Je prendrai soin de vous, vous respecterai et vous aimerai toute ma vie.
La fille du roi de la mer leva ses grands yeux de miel pleins de chagrin vers le pêcheur.
Si ma peau de phoque a été volée et qu’il n’y a plus de chance de la retrouver, je n’ai donc pas d’autre choix que de rester avec vous et devenir votre femme, dit-elle. Je ne pourrai espérer trouver quelqu’un de plus aimable que vous dans ce monde que je ne connais pas.
Et elle soupira en pensant à sa vie de la mer qu’elle pensait ne plus jamais connaître.
J’aimerai tellement être avec mes frères et sœurs de la mer, qui doivent m’attendre et m’appeler sans cesse.
Le coeur du pêcheur trésaillit face au désarroi de la jeune femme, mais il était si étourdi par sa beauté et sa douceur qu’il sut qu’il ne la laisserai jamais partir.
Durant de longues années, Roderic MacCodrum et sa merveilleuse épouse de la mer vécurent dans la maisonnette près de la plage, et ils eurent beaucoup d’enfants : Des enfants aux yeux bruns couleur de miel et de belles voix pour chanter. Les gens des environs avaient surnommé Roderic “MacCodrum des phoques”, car il avait épousé une femme phoque; et les enfants furent surnommés les “enfants de MacCodrum des phoques”. Malgré le temps qui passait, la fille du roi de la mer se remémorait souvent son grand chagrin. Elle allait marcher seule sur la plage, écoutant le ceol-mara, nom donné en gaëlique, à la musique de la mer et le gait na mara, le rire des vagues. Et parfois, elle apercevait au loin ses frères et sœurs nageant près du rivage, appelant encore et encore du nom de leur sœur perdue depuis longtemps. Elle espérait pouvoir les rejoindre un jour, du plus profond de son cœur.
Un jour, comme à son habitude, Rodric sortit pêcher après avoir embrassé sa femme et ses enfants. Mais en chemin il croisa un lièvre, ce qui est toujours un mauvais présage. Roderic était partagé entre revenir à la maison ou poursuivre son chemin, mais il regarda le ciel et se dit:
C’est seulement un peu de vent qui se présage. J’ai déjà traversé et surmonté de nombreuses tempêtes dans ma barque.
Et il continua son chemin.
En effet, un peu plus tard, le vent forcit autour de sa maison où il avait sa femme et ses enfants. Le plus jeune était en train d’écouter le vent et le bruit de la mer dans un coquillage, le posant contre son oreille comme il aimait faire souvent. Sa mère l’appela pour rentrer. Alors qu’il passait le seuil en obéissant à sa mère, un coup de vent plus fort rabattit la porte, qui claqua fort et fit trembler les murs. La pierre au-dessus du linteau de la porte se descella, laissant tomber la peau de phoque que Rederic avait caché là des années auparavant.
La fille du roi de la mer prit la peau dans ses mains. Elle ne dit rien contre son mari qui l’avait gardé contre sa volonté pendant tellement d’années. Mais elle enleva ses habits humains et serra la peau de phoque contre elle. Puis elle dit adieu à ses enfants et descendit jusqu’à la mer. Là, elle revêtit sa peau de phoque et entra dans l’eau. Elle regarda une dernière fois vers la maison du pêcheur où elle avait malgré tout vécu quelques moments de bonheur. Ses enfants étaient alignés le long de la plage et pleuraient. Mais l’appel de la mer était plus fort que tout au monde; et elle nagea au loin, très loin, pleine de joie à nouveau.
Quand Roderic MacCodrum revint de sa journée de pêche, il trouva la porte ouverte et le feu éteint. En voyant le trou au-dessus de la porte, il comprit ce qui s’était passé. Sa belle épouse était retournée à jamais dans les profondeurs de la mer. Il fut bien triste quand ses enfants lui racontèrent la manière dont elle leur avait fait ses adieux.
Jour funeste qui me fit croiser un lièvre en chemin vers ma barque! Dit-il. Le vent soufflait fort, la pêche était mauvaise, et maintenant ce grand malheur qui m’accable!
Il n’oublia jamais sa merveilleuse femme-phoque et la pleura tous les jours de sa vie restante. Depuis ce temps, Roderic MacCodrum, ses enfants et leurs descendants, se rappelant de leur épouse et mère, firent bien attention de ne jamais déranger ou blesser un phoque, s’ ils venaient à en rencontrer. Et on les appela le Clan MacCodrum des phoques dans tout le Uist du nord et les Hébrides.
Traduit de MacCodrum of the Seals, Fairy Tales from Scotland, contes recueillis para Barbara Ker Wilson
FIN
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